Les bassins à flot de Bordeaux, ce sont deux plans d’eau sur 20 hectares, séparés d’un pertuis. Le premier a vu le jour dans les années 1870, le second une quarantaine d’années plus tard. Ces bassins sont surtout des sites chargés d’histoire, auxquels s’adosse le quartier de Bacalan. Ici est née l’industrie du Bordeaux des années 1900 : armateurs, avionneurs, huileries, sucreries, distilleries, commerce maritime,… Ces bassins ont accueillis paquebots et morutiers, navires chargés de bananes, d’arachides, de noix de coco venues des Antilles. Ici on déchargeait ces bateaux dans les hangars qui bordaient les bassins. Les rails incrustés dans les pavés racontent encore les trains qui venaient jusqu’au bord des quais pour y être chargés. Ici les occupants italiens et allemands ont construit un monstre de béton indestructible, la base sous-marine Betasom. Ce bâtiment démesuré a pris place par la force sur le site des bassins à flot. Les Bacalanais ont payé le tribut de sa construction à plusieurs titres, et notamment lors du bombardement du 17 mai 1943, où près de deux cent bombes tomberont sur Bacalan. La base sous-marine n’aura que peu de mal. Pas les bâtiments et les habitations environnants… Aujourd’hui la base sous-marine est une masse grise devenue étrangement familière, calme colosse endormi. Des expositions temporaires et des spectacles viennent s’y abriter … pacifiquement.
J’ai voulu photographier ces lieux (de 2005 à 2010) avant que le réaménagement urbain entrepris les transforme définitivement. Les vieux hangars sont tombés, le nouveau pont Bacalan-Bastide est venu se dresser avec panache, les pelleteuses et les bâtisseurs ont démoli les traces du passé et ont érigé un nouvel espace de vie. Il sera difficile aux habitants des quartiers résidentiels et chics qui s’élèvent aujourd’hui d’imaginer tout le passé de ces lieux ouvriers qui furent bouillonnants, tout emplis d’un passé industriel, populaire et cosmopolite, pleins de vie, résonnants de luttes syndicales tonitruantes, marqués lourdement à travers l’occupation allemande, puis lentement abandonnés, vidés de leur sang, en déshérence.
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